Comme promis, voici les trois autres albums de
Alan Stivell remastérisés et distribués par
Harmonia Mundi. Ces trois albums présentent chacun une façade de la personnalité musicale du musicien breton. En effet,
Terre des vivants date de 1981 mais montre déjà l’attachement de Stivell pour les expérimentations musicales. L’album se distingue par ses tonalités électroniques et par l’emploi de la langue française, sa langue maternelle.
1 Douar date de 1998 et souligne une valeur que Stivell a toujours véhiculé à travers sa musique, à savoir l’universalité de ses paroles. Pour l’occasion, il s’entoure de plusieurs personnalités de la musique world, notamment
Youssou N’Dour et
Khaled. Enfin, paradoxalement, l’année 2000 marque le retour de
Alan Stivell vers ses racines et vers une musique celtique plus authentique avec l’album
Back to Breizh. Un nom parfaitement adapté tant le chanteur clame son amour pour la Bretagne.
Terre des vivants (1981) déconcertera de nombreux auditeurs dès les deux premiers titres. En effet, « Terre des vivants » et « Rentrer en Bretagne » sont chantés en français et le phrasé du chanteur associé à une musique expérimentale un peu plate laisse un peu perplexe. Heureusement, les choses s’arrangent avec le long titre « Beg ar van » qui relate les événements de
Plogoff. Véritable hommage au peuple du « bout du monde » qui sut se battre contre l’implantation d’une centrale nucléaire sur ses terres à la fin des années 70, le titre marque et touche grâce au chant rageur et sincère de Stivell. Mais « ‘Raok mont d’ar skol » nous rappelle à quel point certains titres peuvent très mal vieillir. Sur ce titre, Stivell nous joue une musique teintée d’électronique qui reste assez inaudible. La fin de l’album est de meilleure qualité. Stivell enchaîne des morceaux courts et variés assez réussis. Les deux « androïdes » nous livrent un rock celtique ciselé et efficace. Ensuite, Stivell rend hommage au peuple écossais à travers « Hidden through the hills » et l’instrumental « Cameronian rant ». Saluons pour finir le très entraînant « Q-Celts fiesta » dans un style dont seul
Alan Stivell a le secret. Vous l’aurez compris,
Terre des vivants ne fait pas partie des meilleurs albums de Stivell et son écoute n’est à conseiller qu’aux inconditionnels de l’artiste breton.
En 1998,
Alan Stivell sort son album
1 Douar, ce qui signifie
une terre. Un titre qui symbolise bien les opinions de l’artiste breton tant Stivell a toujours cherché à mettre en valeur dans sa musique l’universalité de sa pensée et de ses idées. Un album aux sonorités world évidentes qui fait le point sur les influences et les rencontres de l’artiste.
1 Douar s’impose comme un réquisitoire pour la paix et l’amour entre les peuples et ouvre une nouvelle voie pour le millénaire à venir, une manière de balayer toutes les horreurs du siècle passé. Une manière de faire avancer aussi la cause des peuples et langues minoritaires en réclamant une plus grande tolérance. Les collaborations les plus détonantes sont sans aucun doute les duos avec
Khaled et avec
Youssou N’Dour. Avec ce dernier, le duo prend une tonalité world surprenante et pourra déconcerter l’amateur de musiques celtiques. Après plusieurs écoutes, l’alchimie devient pourtant évidente, le breton s’adaptant au wolof et inversement. De la même façon, les duos avec
Khaled distillent un parfum d’orient et contribuent à cette magnifique fusion des genres.
En revanche, l’esprit celtique plane tout de même sur cet album grâce à la présence de
Paddy Moloney, le leader des
Chieftains, pour un vibrant hommage au barde breton
Glenmor et la présence du leader de
Simple Minds,
Jim Kerr, pour un magnifique « Scots are right ».
Mais cette abolition des frontières n’est pas seulement géographique, elle est aussi générationnelle grâce au duo avec les
Sœurs Goadec (« La mémoire de l’humain »).
Même si musicalement
1 Douar n’est pas forcément un grand album, il est d’une sincérité absolue et atteint un idéal que s’était fixé l’artiste breton. Un quête que Stivell résume avec ces quelques mots : «
Les frontières sont maintenant déjà fossiles, comme le sont leurs derniers gardiens ».
L’année 2000 marque le retour de Alan Stivell aux sources (après la parenthèse world de 1 Douar) avec cet album très justement nommé Back to Breizh. Un album sincère où l’artiste breton chante son identité et son patrimoine avec beaucoup de talent. Dès « Vers les îles et villes de verre », Stivell rend hommage, avec une énergie bienvenue, à la péninsule armoricaine, la terre de ses grands parents où il regrette de ne pas avoir vécu. Ainsi, après les quelques expérimentations électroniques des albums précédents plus ou moins réussies, Stivell revient à des musiques percutantes et énergiques. Le phrasé et chant de l’artiste sont tout autant réussis et les paroles font mouches. L’artiste breton rêve toujours d’une Bretagne fière de sa culture, de sa langue et de son pays « Rêve ». Il condamne les assoiffés d’argent « Ceux qui sèment la mort », un morceau d’anthologie sur lequel on notera la présence de scratch qui colle parfaitement à l’atmosphère du morceau. Il exhorte les bretons à aller de l’avant sans se soucier de la capitale tentaculaire « Back to Breizh ». De plus, l’album renferme quelques instrumentaux dont seul Stivell a le secret, notamment l’excellent « Rock harp ».
L’artiste rendra lui aussi un bel hommage à la mer d’Iroise avec un morceau sobre comme son titre « Iroise ». Enfin, pour être complet, saluons le magnifique « Arvor-you » où une flûte entêtante vient renforcer l’énergie obsédante du titre.
L’album se clôt avec deux grands succès de Stivell, à savoir « Brian Boru » et « Armoricaine (suite) » dans des versions chantées en français. Une façon de les appréhender différemment, leur message devenant compréhensible par un plus grand nombre. Au final, l‘album s’avère très engagé et démontre toute la hargne de notre chanteur breton.
A la lumière du temps, Back to Breizh s’affirme définitivement comme un des meilleurs albums de Alan Stivell, preuve que certains artistes peuvent faire des albums de qualité tout au long de leur carrière.
http://www.alan-stivell.com/